LES SIECLES – MIGROS CLASSICS 4/4 / CANCELLED
SCHUMANN, Concerto pour violon
MOUSSORGSKY/ RAVEL, Les Tableaux d’une exposition
Vilde Frang, violon
François-Xavier ROTH, conductor
Les Siècles
Exception faite du Concerto pour piano et orchestre en la mineur, les œuvres concertantes occupent une position assez marginale dans la production de Schumann, qui a néanmoins composé deux ouvrages pour violon et orchestre. C’est après avoir entendu en 1853 le violoniste Joseph Joachim interpréter à Düsseldorf le Concerto pour violon de Beethoven que Schumann a écrit d’une traite un concerto à l’intention de ce jeune virtuose. Joachim a d’abord chaleureusement accueilli l’œuvre, avant d’émettre des réserves à son sujet. L’année suivant la mort de Schumann, le virtuose s’est adressé à l’épouse du défunt pour se plaindre d’«affreux passages» dans le dernier mouvement, se référant sans doute à des problèmes d’ordre technique. Clara Schumann, Joachim et Brahms se sont finalement mis d’accord de ne jamais publier l’ouvrage. Le violoniste a fini par faire don du manuscrit à son fils aîné qui a ensuite vendu le concerto à la Bibliothèque nationale de Prusse, avec la recommandation que l’œuvre ne soit ni jouée, ni publiée au cours du siècle suivant la mort de Schumann. Le concerto aurait été retrouvé en 1933 grâce aux dons de voyance de Jelly d’Arányi. Cette jeune violoniste et petite-nièce de Joachim a prétendu avoir reçu de Schumann un message concernant la localisation d’une pièce pour violon encore jamais publiée. Le concerto aurait ainsi été localisé à Berlin et créé dans cette même ville en 1937 sous la direction de Karl Böhm, avec le violoniste allemand Georg Kulenkampff comme soliste. Les mélomanes ont enfin pu découvrir un concerto qui met en valeur toutes les ressources du violon. Le deuxième mouvement se distingue par la beauté de son thème, alors que le finale adopte la forme d’une polonaise pleine d’entrain. Yehudi Menuhin a vu dans cette œuvre tardive de Schumann «le chaînon manquant entre Beethoven et Brahms».
Modeste Moussorgski était un autodidacte de génie qui a consacré l’essentiel de son énergie créatrice au répertoire vocal. Nulle trace des Tableaux d’une exposition dans son maigre catalogue d’œuvres symphoniques et pour cause: c’est au seul piano que le compositeur russe a dédié cette suite de dix pièces inspirées par des aquarelles, des dessins et autres esquisses littéraires de Viktor Hartmann. Une très forte amitié liait Moussorgski à cet architecte d’ascendance allemande, décédé peu avant son quarantième anniversaire. Dévasté par ce décès prématuré, Moussorgski n’a trouvé de réconfort qu’après avoir visité la rétrospective posthume consacrée à Hartmann à l’Académie des Beaux-Arts de Saint-Pétersbourg. Cette exposition présentait quelque quatre cents dessins et aquarelles, pour la plupart produits par l’artiste durant ses voyages en Europe. Au cours de l’été 1874, Moussorgski a rendu hommage à son ami à travers un cycle pour piano qu’il a conçu en l’espace de quelques jours. Imaginée comme la visite de l’exposition de son ami, l’œuvre est rythmée par ses propres pas (illustrés par la Promenade qui ponctue les pièces). La plupart des tableaux de Hartmann ayant disparu, il est difficile de les identifier avec exactitude à travers les pages de Moussorgski. Le compositeur est d’ailleurs souvent parti de détails insignifiants, voire de tableaux exclus de la rétrospective, pour brosser une grande fresque psychologique dépassant l’anecdote picturale pour correspondre aux fascinations personnelles du musicien, notamment son obsession de la mort. L’œuvre originale pour piano a été publiée en 1886, cinq ans après la mort de Moussorgski. La version orchestrée par Ravel en 1922 – de loin la plus célèbre des transcriptions posthumes – est le fruit d’une commande du chef d’orchestre Serge Koussevitzky.